Hot Maroc

 

de Yassin Adnan (Sindbad Actes Sud). Voilà une sympathique aventure, que celle à laquelle nous invite Yassin Adnan. Dès les premières pages, on s’attend à trouver un récit à la Fouad Laroui, au cours duquel un personnage lambda est pris dans une histoire peu commune, révélant ainsi bien des aspects de la société dans laquelle il vit, et cela dans une langue légère, accessible, peu avare en humour et en traits d’esprit. Il y a de ça. Mais, quelque part, Yassin Adnan va un peu plus loin et, une fois n’est pas coutume, sans doute parce qu’il est avant tout journaliste dans l’âme : il a une connaissance du terrain, du Maroc, de la société marocaine et de la rue, extrêmement aigüe. Bien entendu, le trait est toujours un peu caricatural, un peu surligné pour bien dresser le portrait de cette société où de nouveaux équilibres sont en permanence négociés. Rahhal, personnage terne bien qu’il ait une vie numérique intense, du fond de la tanière du cybercafé qu’il gère, observe le fonctionnement de sa famille et de son couple sans passion, de sa rue au cœur du Marrakech contemporain – un récit totalement dégraissé de visions orientalistes ou pittoresques, ce qui fait le plus grand bien – de la presse de son pays et de la scène politique. Tout cela s’avère certes amusant – on sourit beaucoup - mais, au-delà, ce portrait un peu féroce, sans concession bien qu’attachant, du Maroc du début du XXIe siècle, est passionnant et des plus instructifs ! «Aujourd’hui, personne ne se souciait ni de droite ni de gauche. Les partis se fichaient de leur nom, et ne cherchaient plus à évoquer à travers lui leur fonds intellectuel et idéologique. Tout le monde les appelait par leur surnom. La Pieuvre, la Chamelle, le Cheval, la Fourmi, le Héron, le Balai, l’Avion, la Pioche, le Chandelier, la Main dans la Main, le Stéthoscope. Les symboles suffisaient. Les journaux, la radio, la télévision et Hot Maroc présentaient tous le nouveau numéro comme la Pieuvre. La Pieuvre, point final. Tout simplement. Cette richesse nationale que l’océan Atlantique offre à notre pays, et que les Marocains considèrent comme une source importante de revenus en devises, surtout dans nos relations commerciales avec le Japon et l’Espagne. Cette ressource bénie était le symbole du nouveau parti. Les symboles suffisaient. "Car un signe suffit au sage pour comprendre", comme le répéta plus d’une fois Bachir Mourabiti, lors de la première réunion préparatoire qu’il présida au cyber pour lancer la campagne électorale du parti.
- … Quant aux références idéologiques, c’est du blabla. Le programme aussi, c’est du blabla. Nous, on en a marre des mots. Les gens veulent du vrai, du concret. C’est pour ça qu’on ne leur parle ni de socialisme, ni de libéralisme, ni d’autres figures du barbarisme. On va leur parler vrai. Le pays veut du concret. On a donc choisi des hommes vrais. On se fiche bien de savoir s’ils sont riches ou pauvres, ce qu’on veut, c’est qu’ils fassent vrai, pour que les Marocains aient confiance en eux. Quant au programme du parti, rassurez-vous, on n’en a pas. » 

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