Mais ça ne sert à rien le talent



- Gérard-Georges Lemaire : Vous avez cessé vos recherches à ce moment-là ?
- Brion Gysin : Il me semble qu'au contraire...

- G. G. L. : Qu'avez vous entrepris de faire alors ?
- B. G. : De vivre !

- G. G. L. : Un projet intéressant !
- B. G. : Des plus intéressants. Mais j'essayais toujours d'écrire.

- G. G. L. : Cela vous posait donc un problème ?
- B. G. : Oui. J'ai écrit pas mal de manuscrits, des romans.

- G.G. L. : Qu'est-ce qui ne collait pas ?
- B. G. : Ah ! je n'en sais rien. Le talent, je crois. Je n'avais pas assez de talent. Certainement moins que la jeune génération, que j'ai connue à New York dès 1940 - Gore Vidal, Truman, Capote et Tennessee Williams - et moins que les Beats connus par la suite. J'ai beaucoup de mal à écrire.

- G. G. L. : Mais ça ne sert à rien le talent. Beaucoup de grands écrivains n'avaient pas de talent.
- B. G. : J'ai mis beaucoup de temps à comprendre ça. 

- G.G. L. : Qu'écriviez-vous au Maroc ?
- B. G. : Surtout des romans et des textes sur l'Espagne où j'avais travaillé dans Los Archivos de India à Séville sur l'histoire de l'esclavage.

- G. G. L. : Vous ne vous intéressiez pas du tout à la poésie à cette époque ?
- B. G. : Non. Et encore, la poésie telle qu'on la comprend ne m'a jamais intéressé... La poésie d'émotion. Je m'intéresse plus à ce que disent les mots... Les mots comme matière sonore imprégnée d'émotion si vous voulez.



extrait de Tanger - Entretien , de Brion Gysin et Gérard-Georges Lemaire, Spectres Familiers, 2013. Auteur de la photographie non-indiqué.

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