Les solitudes urbaines



Voilà, j'ai été condamné.
Fait personnel, ciguë que je devrais boire seul. Comme
le héros d'une petite oeuvre de douleurs, en cothurnes
parmi le choeur bas, je descends dans la nuit - tiède -
l'horrible escalier du parvis. Les amis s'en vont dîner.
Seul. Avec trois photographes paumés, et la petite
foule que je ne regarde pas, héros compris dans sa douleur.
Ce sont les rues que j'emprunte tous les soirs,
mais maintenant révélées dans leur vraie réalité :
elles ne sont pas mon bien, mon paysage,
mon intimité, mais elles appartiennent à d'autres,
et leur valeur me semble maintenant suprêmement étrangère.
Les solitudes urbaines dans l'air tendre de l'après-dîner
immédiat, encore hivernal... Espoirs naïfs,
mythes poétiques d'une âme qui, en réalité, est, elle,
l'invitée, elle, la pauvre visiteuse que personne ne connaît,
et pour personne elle n'a le droit d'être ici.


extrait de Pier Paolo Pasolini, Pierre II, dans Poésie en forme de rose, dans La Persécution (Points). Image : Franco Citti dans Accattone.

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