Je suis subversif




La Favela était comme Capharnaüm sous le soleil -
Parcourue par des caniveaux d'égout
les baraques l'une sur l'autre
vingt mille familles
(lui sur la place me demandant une cigarette comme un prostitué)
Nous ne savions pas que peu à peu nous nous révélerions
prudemment, un mot après l'autre,
prononcé presque distraitement
je suis communiste, et : je suis subversif ;
je suis le soldat dans un régiment entraîné exprès
pour lutter contre les subversifs et les torturer ;
mais eux, ils ne le savent pas ;
les gens ne se rendent compte de rien ;
ils pensent à vivre
(il me parle du sous-prolétariat)
La Favela, fatalement, nous attendait
moi grand conoscitor, lui duca -
ses parents nous accueillirent, et son petit frère nu
à peine sorti de derrière la toile cirée -
hé oui, invariabilité de la vie, la mère
m'a parlé comme Limardi Maria, en me préparant le jus de citron
sacré de l'invité ; la mère blanche mais encore jeune de chair ;
vieille comme vieillissent les pauvres, et pourtant jeune femme ;
sa gentillesse avec celle de son compagnon,
fraternel à l'égard de son fils qui par sa volonté seule
était maintenant comme un envoyé de la Cité -
Ah, subversifs, je recherche l'amour et je vous trouve.
Je recherche la perdition et je trouve la soif de justice.
Brésil, ma terre,
terre de mes vrais amis,
qui ne s'occupent de rien
ou pourtant deviennent subversifs et comme des saints sont aveuglés.



Pier Paolo Pasolini, extrait de Hiérarchie, in Transhumaniser et organiser, in La persécution (Traduction René de Ceccatty, Seuil)

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